Quand l'elfe noir Gwa'yn et sa bien-aimé Dyfeline traversent l'océan pour se perdre dans les montagnes du levant, à la limite des terres connues, les voilà sauvés pensent-ils, de la vindicte lancée par les maîtres assassins formés dans la si redoutée citadelle de Slurce. Mais AKRÄHING, la ville des dragons au allure de forteresse asiastique fantastique perdue dans les hauteurs himalayenne, n'est pas encore assez loin pour échapper à la vengeance des grands maîtres de son peuple.
Pour connaître les raisons d'une telle haine, les lectures du n° 15, et peut-être du n°10 de la série Elfes vous seront indispensables. Peut-être que cette histoire d'amour impossible sous forme de fuite en avant pourra aussi s'apprécier sans ces lectures au préalable, en y voyant une course-poursuite digne d'une série de netflix, où le héros à la peau d'ébène et aux oreilles pointues doit affronter tous ses ennemis le sabre à la main, porter par son amour pour une humaine.
Il a été confirmé durant la campagne de financement du jeu de rôle Les Terres d'Arran, Hadrien est le pseudonyme du scénariste Arleston connu pour sa série à succès Lanfeust de Troy. Arleston- Hadrien a été en charge depuis le début de la destinée des elfes noirs, peuple sombre recueillant tous ceux des autres peuples rejetés pour leurs instincts meurtriers. Et si les 'elfes noirs' avaient permi enfin à Arleston d'exprimer sa part d'obscurité, avec ces créatures formées aux meurtres dont le corps et l'esprit sont destinés à sombrer, pour les transformer en monstres déments ; seul la fleur de thnen pouvant retarder leur inexorable destin. Mais en vivant son amour contre-nature pour une humaine, la belle Dyfeline, l'elfe noir Gwa'yn lutte contre l'obscurité toute le long de cette aventure, contre l'anéantissement de son esprit, de son amour et pour une rédemption impossible, une sorte de reconquête de son humanité, comme si cela était possible à travers l'impossible don de soi que lui offre son aimé.
Une ambitieuse histoire que cette fugue des deux amants, et bien sombre, que desservira quelques peu le dessin de Daniela 'Dimat' sur des visages mal finis, même si l'enchantement des couleurs, parfois trop vive tout de même, nous transporta dans quelques planches efficaces de vues aériennes de la cité aux vallées luxuriantes des dragons.
Arleston, s'il reste classique dans son traitement de l'histoire, oublie de nous présenter en profondeur les DRAGHEES, les Maîtresses dresseurs qui protègent si bien leurs secrets de domestication des plus féroces animaux d'Arran : les dragons. Et avant que les cris de batailles résonnent, il nous fait entrevoir les coulisses d'une caste d'employés traitée en quasi esclavage, obligés d'effectuer le dangereux travail de nourrir les monstres et de rester dans leur baraquement. Si on ajoute la sensualité de ces dresseuses de dragons, typique de son goût habituel pour les volutpteuses et scupturales guerrières (Les Feux d'Askell), on est aux portes d'un monde adulte que la série Elfes ne franchit malheureusement jamais.
Les bonnes idées foisonnent, sans pour autant en assumer toutes les incidences, si ce n'est que pour ceux qui maîtrisent l'art de l'assassinat : "aucun témon n'a jamais survécu pour dire que les elfes noirs sont des assassins". Cette malédiction rougit la terre de leurs ennemis, quelque soit le côté, mais l'auteur oublie de la traiter avec plus de profondeur ; et pourtant avec ce couple multi-éthnique, subissant la pression de l'ordre établi, ne sachant plus où vivre, il avait un diamant à tailler, une sorte de conte moderne de 'Beren et Luthien'. Arleston restera-t-il pour toujours l'auteur d'une fantasy légère ? Cela serait si dommage.